La Mafia du chocolat - Gabrielle Zevin - Les riches heures de Fantasia (2025)

La Mafia du chocolat - Gabrielle Zevin - Les riches heures de Fantasia (1)

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La Mafia du chocolat

de Gabrielle Zevin

traduit de l'américain par Cécile Chartres

Albin Michel jeunesse – Wiz - 2012

Nous sommes en 2083, un monde où les ressources naturelles s'épuisent. Orpheline, Anya Balanchine soutient ses proches avec une détermination étonnante pour son page (tout juste seize ans): il y a Nana, la grand-mère malade, Leo, le frère aîné intellectuellement limité suite à un accident, et Natty, la petite sœur surdouée.

Si elle peut se dire descendante de l'illustre danseur, Anya est surtout la fille de feu Leonyd Balanchine, parrain d'une mafia qui fonctionne sur la vente – devenue illégale – de chocolat. L'impressionnante filiation n'est pas facile à porter au quotidien et Anya aimerait qu'on l'oublie un peu... même si elle se réfère sans cesse à des conseils de vie que lui avait donnés son père. Réfléchie, volontaire, honnête et protectrice, la jeune fille a fait tout pour rester à l'écart de la Famille, désormais tenue par son oncle. Mais c'est compter sans 1/ l'embauche de Leo en tant qu'homme à tout faire à la Piscine, quartier général de la Famille, 2/ l'empoisonnement de son ex-petit ami par une tablette de chocolat qu'elle lui a elle-même donnée, 3/ son attirance irrésistible pour Win, le fils de l'assistant du procureur, autant dire l'ennemi...

On s'en rend compte dès les premières pages, l'écriture, l'ambiance n'ont rien à voir avec l'espèce de poésie profonde d'Une Vie ailleurs et de Je ne sais plus pourquoi je t'aime. Et alors? Gabrielle Zevin se réinvente, une grande qualité est au rendez-vous, et il est absolument hors de question de bouder son plaisir. Vous allez comprendre pourquoi:

Roman d'anticipation, La Mafia du chocolat nous transporte dans une atmosphère non pas post-apocalyptique, mais à tout le moins de déclin larvé. La société des années 2080 fonctionne selon les mêmes codes que nous, les lois s'appliquent simplement sur d'autres éléments: interdiction de nombreuses denrées alimentaires, douches et coups de téléphone minutés... Il s'agit avant tout d'économiser les dépenses énergétiques. Se dessine une ère toute en compromis et petits arrangements qui pourrait parfaitement faire suite à notre consommation effrénée. Le contexte mis en place, hautement probable, invite à réfléchir et un petit parfum de mélancolie coupable rôde sur le lecteur.

Racontée par Anya elle-même, l'histoire est excellemment construite. Il y a évidemment une approche de type «policier». L'idée de prohibition draine immanquablement des bons et des méchants, ces derniers réglant en plus leurs comptes entre eux. D'assez nombreux personnages secondaires, bien campés, promettent du rififi chez les mafieux. Il y a ensuite beaucoup de sentiments - amoureux, familiaux, haineux, peureux, généreux, etc - et on peut faire confiance à l'observatrice Anya pour les décortiquer chez ceux qui l'entoure. Gabrielle Zevin trouve le juste équilibre entre l'action et la psychologie, faisant agir l'un sur l'autre, dans les deux sens, avec force étincelles. Si l'amour entre Anya et Win est compliqué, c'est à cause de leurs origines sociales (ah, l'éternel Roméo & Juliette). Si Yuji appartient à un clan mafieux en concurrence, il est rattrapé par son affection pour Anya. J'ai apprécié la solidité des relations créées entre tous les protagonistes, solidité qui passe souvent par les détails: Scarlet prête à offrir ses habits vintage (les nôtres...) à son amie Anya, Win déposant chez sa dulcinée des oranges cultivées par sa mère...

Anya se situe évidemment au centre des événements. Là, Gabrielle Zevin fait fort, en mettant au monde un personnage destiné à marquer les esprits durablement. Excessive dans le contrôle d'elle-même mais pas dépourvue d'émotions, paradoxalement forte et fragile, gentille et cinglante, Anya a tous les critères pour, selon moi, rentrer au panthéon des héroïnes que l'on cite de manière complice et hors contexte. Elle en a le cœur, elle en a la poigne à chaque page de ses réflexions et contre-réflexions qui constituent le fil du récit. J'ai adoré ses petites phrases excessivement matures héritées de son père, sa capacité à dissimuler ce qu'elle pense sans que jamais la carapace ne craque, parce qu'elle sait lui donner de la souplesse quand il le faut. Sous un apparent manque de confiance, Anya est une battante.

J'ai appris de Bouma qu'il s'agissait d'une trilogie. On pouvait s'en douter, quoique la fin ne joue pas de nos nerfs. Et c'est sans doute la dernière qualité du roman: alors qu'il rassemblait tous les éléments du best-seller facile, il ne cesse jamais de résonner de manière naturelle, se concentrant sur l'émergence progressive d'un univers complet et crédible. S'il nous plaît, c'est pour de vrai.

La Mafia du chocolat - Gabrielle Zevin - Les riches heures de Fantasia (2)

... et version bonbons de luxe.

La Mafia du chocolat - Gabrielle Zevin - Les riches heures de Fantasia (2025)

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